Né dans la bourgeoisie de la période post Moyen Age de son monde d'origine, Ambrosius a vu ses parents s'échiner à grimper les échelons et en vouloir toujours plus. Une notion qu'il aura gardé bien à l'esprit puisqu'une fois un certain âge atteint il se maria avec une riche demoiselle pour obtenir le statut de noble. Il n'avait aucun amour pour elle, mais prétendait le contraire devant sa belle famille pour rester leur petit favoris. Amants et amantes se succédaient dans le lit conjugal qu'il ne respectait pas le moins du monde, au grand damne de son épouse qui, consciente de ses infidélités régulières, préféra garder sa fierté en ne révélant pas cela publiquement. Elle ne voulait pas passer pour la femme trompée, aussi elle ferma les yeux sur le comportement d'Ambrosius du moment qu'il restait discret sur ses pratiques.

Mais à se vautrer dans les bras de n'importe qui, notre jeune homme qui atteignait les trente ans fit une rencontre bien fâcheuse ; celle d'une créature de la nuit qui l'avait séduit avec son bel air angélique. Ils s'étaient rencontrés dans un bordel de la capitale où il se rendait parfois, mais ses visites dans ce lieu de débauche devinrent de plus en plus régulière afin de retrouver son nouvel amant pour qui quelques sentiments naissaient. Il n'avait bien sûr pas conscience de la nature de l'homme qui l'avait charmé de la sorte, jusqu'à un certain jour, ou plutôt une certaine nuit. Et c'est ainsi que s'acheva la vie humaine d'Ambrosius, par une nuit d'orage dans ce bordel de la capitale, mordu par un vampire qui ne cherchait même pas à se repaître de son sang mais seulement à le transformer pour en faire son amant pour l'éternité.

Trahis et blessé dans son ego, il rentra chez lui avec la mine bien basse. Dans les temps qui suivirent, il remarqua que des changements s'opéraient petit à petit sur son apparence physique, jusqu'à ce qu'il ne soit plus possible de les cacher à son épouse qui le voyait tous les jours depuis presque dix ans. Surtout qu'il n'avait personne pour lui apprendre à dissimuler sa condition, à commencer par ses canines affûtées. Alors, comprenant qu'il ne pourrait échapper à son destin de monstre, il quitta la ville définitivement pour aller se terrer dans un château en ruine bien loin d'ici.

Bientôt, la soif de sang se fit ressentir et se nourrir d'animaux ne fut suffisant que pendant un temps. Il lui fallait plus, il lui fallait quelque chose qui pouvait le ressourcer correctement. C'est ainsi que le carnage commença, alors qu'il s'introduisait la nuit dans des petits villages pour se repaître de sang humain qu'il vidait jusqu'à leur dernière goutte, n'ayant aucune retenue. Laissant dans son sillage une quantité de cadavres, il fut contraint de quitter le château en ruine où il avait trouvé refuge avant que la chasse au monstre ne commence. Une nouvelle approche était nécessaire ; il lui fallait se fondre dans la masse et devenir un citoyen apprécié dans une petite ville pour que les soupçons ne se portent pas sur lui. Il apprit à cacher ses canines et justifia ses yeux carmins par une déformation albinos.

Parvenant de nouveau à grimper les échelons de la société jusqu'à atteindre un statut confortable auprès d'une dame aisée qu'il trompait également à tout va, mais plus discrètement encore qu'avec sa première épouse. Cela dit, son absence de vieillissement risquait d'être un indice pour quiconque serait du genre à fouiner dans les affaires occultes. Car qui dit monstres et vampires... dit aussi chasseur de créatures obscures. Aussi, il devait tous les dix ou vingt ans changer de lieu de vie et recommencer différemment, toujours en laissant des cadavres derrière lui.

Trois-cent ans passèrent de la sorte et Ambrosius commença à se lasser de cette vie, ayant connu bien des périodes jusqu'à la Renaissance actuelle. Il avait appris avec le temps à ne plus vider ses victimes de leur sang, à espacer ses repas pour ne pas agrandir sa liste de victimes, mais par de rares occasions il se laissait emporter et recommençait à tuer à cause de la faim trop grande qui l'habitait. Il se mit à prendre de plus en plus de risques et de moins en moins de précautions, peut-être par goût du danger pour rendre son existence plus palpitante, ou simplement par excès de confiance ? Toujours est-il que quelqu'un finit par lui mettre la main dessus, le frère d'une jeune femme qu'il avait mordu jusqu'à lui retirer son essence vitale. Un homme qui deviendrait par la suite chasseur de vampire.

Ce dernier réussit à le capturer malgré la force supérieure d'Ambrosius, usant de pièges et de ruses mûrement travaillés. Ainsi enchaîné dans la cabane du frère de sa dernière victime, le vampire sentit que son heure était peut-être venue. Lui qui n'avait jamais eu peur de la mort jusqu'ici ressentit tout le poids de la culpabilité qui l'habitait sans qu'il n'y ait vraiment prêté attention auparavant. Et son bourreau se chargea bien de l'aider à faire remonter ce fardeau en le torturant pendant des jours entiers, physiquement comme mentalement, au point de le faire avouer tous ses crimes. Parmi les sévices qu'il lui infligea, il grava dans son dos des signes qui représentaient toutes ses victimes passées et des mots cruels qui l'accusaient de monstre et d'engeance démoniaque dans une langue proche du latin. Il s'écoula plusieurs semaines avant que la faim ne devienne vraiment insupportable pour Ambrosius qui sentait ses forces le quitter. Mais le nouveau chasseur de vampire n'en avait pas fini avec lui et il lui donna du sang de lapin à boire, juste assez pour le maintenir en vie et le torturer davantage.

La suite, vous la connaissez...