Depuis quelques jours maintenant, son meilleur ami et confident à poil avaient complètement disparu. Ce n’est pas comme si elle ne pouvait plus le voir, elle ne ressentait sa présence nulle part, comme s’il avait été effacé de la surface d’Amaryllis. Cela n’était jamais arrivé, d’aussi loin qu’elle pouvait se rappeler, la seule fois où ils ont été séparés aussi longtemps remonte à quelques années maintenant…Laelynn était quelque peu perdu, sans sa moitié, son gardien, son support émotionnel. Sans lui, ses journées devenaient bien longues…Même si elle avait ses petits êtres fantastiques avec elle, ils ne pouvaient pas remplacer Fael…

Malgré l’absence de son meilleur ami, Laelynn continua malgré tout de faire ses spectacles, enivrants les spectateurs par ses prouesses acrobatiques, mélanger à une histoire unique. Pourtant, même si elle se concentrait fortement sur ses devoirs, son esprit ne pouvait se détacher de l’absence de son tigre. Un spectacle sans lui était comme vide de sens, il manquait quelque chose, lui.

Remonter le moral d’une âme égarée n’est pas si simple, mais encore plus délicat quand les perspectives devenaient floues. Comment continuer sans celui qui l’avait soutenu depuis tant d'années ? Son cœur était serré par le chagrin, son esprit dirigé vers son ami poilu qui n’était plus ici, près d’elle. Pourquoi était-il parti sans rien dire ? Est-ce qu’il allait revenir ? Elle avait confiance en lui, évidemment, il avait bientôt 200 ans après tout…

Ce soir-là, après une représentation des plus fantastique, Laelynn ne pensa pas un seul instant à son ami poilu, car le spectacle de cette soirée était bien plus ardu que précédemment. Axés sur des acrobaties dangereuses, mais également de lancer de couteau, hache, épée, la moindre erreur pourrait devenir fatale. Alors pour cette soirée, Laelynn mit de côté l’absence de son ami à patte, pour pouvoir ainsi se focaliser sur les émotions qu’elle allait retranscrire.

Le public répondit à l’appel, évidemment, qui louperait un spectacle aussi palpitant ? Rempli d’autant de rebondissements et de danger ? Plein d’étoiles dans les yeux, les spectateurs quittèrent le cirque après avoir acclamé et applaudi la troupe. Personne n'avait été blessé, par chance. Ils s’étaient entraînés si dure depuis des jours, cela aurait été profondément dommage de rater ainsi.

Au centre de la piste, Laelynn regarda les sièges vides de toute personne. Elle n’était plus que toute seule, face à ce silence. Laissant sa main se poser à côté d’elle, elle ne toucha que le vide, en dessous, il n’y avait rien. Tournant la tête, un sourire triste se dessina sur ses lèvres, sa main se referma en un poing, puis se détendit par la suite. Jetant un dernier regard vers les places vides, c’est le cœur lourd qu’elle quitte la piste, seule.

Dans sa chambre, Cury essaye de lui remonter le moral, lui racontant sa dernière lecture avec énormément de passion. Mer essaye quant à lui de lui faire un petit calin, mais rien n’y fait, le regard de Laelynn ne quitte pas la photo de ses parents, mais surtout de Fael. Elle le connaissait depuis si longtemps, depuis qu’il n’était qu’un tigrou…Comment pouvait-il partir ainsi ?

- Maîtresse, ne soyez pas triste…Il va revenir ! Il est toujours revenu..Il doit simplement avoir une raison, non ? Vous avez confiance en lui maîtresse, non ?

Les paroles de Cury résonnèrent dans son esprit, tandis qu’un petit sourire discret se dessine sur son visage fermé. Elle avait raison, il allait revenir, comme toujours…Mais dans combien de temps ? Est-ce qu’il reviendrait vraiment ? À l’idée qu’il ne revienne jamais, Laelynn posa sa main au niveau de son cœur, serrant le poing, son regard se ferma un instant.

- Mais si…S'il ne revenait pas…Jamais…Que vais-je devenir sans lui ? Il est mon pilier Cury…Je me sens vide sans sa présence…

En entendant les paroles de leurs maîtresses, les quatre entités encerclèrent la tête de Laelynn, lui faisant un câlin collectif. Laelynn ferma de nouveau les yeux, une douleur perceptible dans le regard…Un instant de silence, où résonnent simplement les battements de son cœur…Baboum…Baboum…Baboum…

Dans ce silence, Laelynn sentit une envie soudaine prendre place dans son cœur. Une envie de mettre en musique ces sentiments, ses émotions…De pouvoir exprimer ce qu’elle ressentait, quand même les mots n’arrivaient pas à les décrire fermement.

Prenant son violon, sa plus belle tenue de représentation, Laelynn n’attendit pas un instant de plus pour se diriger vers sa ruelle, l’endroit où elle aimait jouer, l’endroit où seul le vents pouvait être témoins de ses émotions les plus indéchiffrables.

Se posant sur le rocher qui était légèrement en hauteur, ce n’était pas vraiment une ruelle comme les autres. Comme partout dans le sud, tout était regorgé de magie, de rêve, d’espoir. Éclairé par l’une des lunes qui brillait dans le ciel, elle ferma les yeux, leva son bras qui tenait l’archet et après une longue expiration, commença à jouer quelques notes. Tout d'abord un peu maladroit, mais plus l’archet glisse sur les cordes, plus Laelynn commence à sentir la musique envahir ses oreilles, ses mains commençant à s’harmoniser avec les battements de son coeur.

En un instant, Laelynn était comme transporter dans un autre monde, un endroit, dont elle seule à les clés. En ce lieu si loin de son chapiteau, Laelynn pouvait librement faire vibrer la musique dans son cœur. Durant ce moment qui semblait s'étendre dans le temps, on pourrait presque croire qu'un orchestre invisible avait décidé de suivre la Madame Loyale, offrant un spectacle auditif et visuel indescriptible pour celui ou celle qui aurait l'opportunité de découvrir la face cachée de cette circassienne.

Quand les émotions étaient trop fortes pour elle, Laelynn aimait se perdre dans les ruelles totalement aléatoirement, pour pouvoir se retrouver seule et libérer ses émotions qui la rongent. Depuis son arrivée à Amaryllis, elle en avait affronté des difficultés. Cela n’était pas simple de se faire une place dans une ville au multiple désir. Mais elle n’était pas seule dans ces moments, bien au contraire, elle était en très bonne compagnie… Heureusement pour elle. Sans eux, Laelynn aurait bien craqué à de multiples reprises. Elle s’était battue pour arriver à ce point et elle ne laissait rien compromettre son cirque.

Après avoir vu la disparition de son meilleur ami, son confident, son protecteur, Laelynn avaient perdu un sérieux soutien. Son pilier ne donnait plus signe de vie…Il était même plus dans les environs... Comme si son existence avait été... Supprimé ? Sans Fael dans les environs, Laelynn avait l’impression d’avoir perdu une part d’elle, son cœur lui faisait mal…

Ampli d’une tristesse incontrôlable et sous les conseils de sa très chère Cury, Laelynn décida d’aller se perdre de nouveau dans les ruelles non loin de son chapiteau, pour laisser sa tristesse, sa douleur et sa peur se répandre dans son instrument.

Il ne lui fallut pas longtemps pour trouver un endroit qui lui convenait pleinement, vérifiant que personne ne soit dans les environs et laissa son archer commencer à glisser sur les cordes de son violon. Fermant les yeux, elle laissa la mélodie chatouiller ses oreilles, emplissant progressivement la ruelle, sans pour autant aller trop loin. Telle la musique du joueur de flute, Laelynn ne se rendit nullement compte de la présence d’une personne, qui se rapprochait du lieu.

Trop concentrer sur l’expression de ces émotions enfouie dans son coeur, la jeune femme laissa son visage démontrer de son trouble actuel. Une prière silencieuse résonnait entre les murs, un souhait puissant…”S’il te plait, reviens-moi Fael…Je me sens seule sans toi…”

Depuis son enfance, elle n’avait jamais été séparée aussi longtemps de son fidèle gardien. Est-ce qu'elle l’aimait plus que de raison ? Pour elle, c’était abstrait… Elle l’appréciait et l’aimait d’une façon certaine. Il faisait partie de sa famille, il la connaissait quand elle était toute petite, il la connaissait quand elle était dans ses pires moments, quand elle a perdu ses parents, quand elle a perdu sa vie, quand elle s'est retrouvée ici…

Plus les minutes avançaient, plus la musique devenait ensorcelée, faisant bouger sa main comme si elle était possédée. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas joué ainsi. Sa tristesse se transforma doucement, comme si la douleur dans son cœur commençait progressivement à s'amoindrir.

Commençant à faire quelques mouvements de danse, les yeux fermés, la ruelle devint soudainement un orchestre à lui tout seul. Il se passait des choses incroyables dans le Sud, elle en avait la preuve bon nombre de fois, pendant ces spectacles. La magie résonne dans ce quartier, permettant bon nombre de folie et d'extravagance qui enchantent les yeux curieux.

Approchant de la fin de son solo de violon, elle laissa ses dernières peurs s’échapper de son coeur, offrant une musique bien plus puissante et bouleversante. C’était la deuxième fois qu’elle ressentait cela, que la musique avait eu raison de son esprit et de son coeur, que ces émotions ont fini par prendre le dessus. Comme isolée dans sa bulle, la dernière note résonna avec beaucoup de force, vibrants dans un dernier souffle, avant de rendre la tranquillité à cette ruelle. Laissant les dernières notes vagabonder dans les alentours, elle finit par entendre une voix, non loin d’elle.

Rouvrant doucement les yeux, elle tourna sa tête vers l’endroit où, hypothétiquement, la voix provenait, apercevant une silhouette au sol. Clignant plusieurs fois des yeux, Laelynn accrocha son violon dans son dos, avant de sauter de là où elle était, dans une sublime acrobatie. S’avançant doucement vers la personne au sol, Laelynn remit une mèche convenablement derrière son oreille, avant de se pencher légèrement et tendre sa main vers la personne assise sur le sol.

- Je suis heureuse d’apprendre que ma musique vous est parvenue aussi intensément. Vous allez bien ? Vous semblez bouleverser, prenez ma main, je vais vous aider à vous relever.

Dans un sourire très sincère et rempli de bienveillance, la jeune Madame Loyale attendit tranquillement que la nouvelle lui prenne la main. Si cela est fait, elle la relevera avec beaucoup de délicatesse, puis lâchait sa main juste après, s’assurant rapidement qu’elle n’est rien.

- Je ne pensais pas que j’aurais une auditrice dans un endroit tel que celui-ci. Il est rare que des personnes viennent se perdre dans ces ruelles. Vous êtes-vous perdus ?

Habillée dans sa tenue de spectacle, Laelynn offrit un sourire réconfortant, tandis que, dans un tapement de main, trois petites lumières apparurent dans la ruelle, un petit rire échappant des lèvres de la jeune femme.

- Quand on connaît les subtilités des lieux, on peut les utiliser à notre avantage. Vous ne trouvez pas cela fascinant ?